
08.09.2025
Le Portugal s’apprête à devenir l’un des leaders de l’UE en matière de dépenses de défense
Le ministre portugais des Affaires étrangères Paulo Rangel a déclaré que son pays s’apprêtait à effectuer des achats massifs d’équipements militaires auprès des États-Unis et des pays européens. Il compte réarmer complètement son armée. Ce changement de politique du Portugal, qui a longtemps été à la traîne au sein de l’Otan en matière de dépenses de défense, témoigne du fait qu’un nombre croissant de pays européens partagent l’idée qu’il est nécessaire d’augmenter drastiquement les budgets militaires.
Le Portugal s’apprête à atteindre l’objectif de 2% du PIB consacré aux besoins de défense non pas en 2029 comme prévu, mais cette année, a déclaré le 6 septembre le chef de la diplomatie du pays. Pour cette raison, a dit Rangel, des achats d’armements sont préparés, notamment d’avions et de navires. Il n’a pas communiqué de détails sur ces accords, invoquant le fait que ce n’est pas le type d’information qui peut être divulgué à la presse. Plus tôt cette année, le journal portugais Publico avait rapporté que le Portugal étudiait les options pour remplacer ses chasseurs américains F-16 existants par des modèles plus récents.
"Nous voulons définitivement investir dans la défense européenne", a déclaré Rangel, notant que l’industrie de défense portugaise se développe déjà activement, notamment dans le domaine de la création de drones.
L’augmentation des dépenses de défense sera menée dans le cadre de l’objectif fixé par le président américain Donald Trump à ses alliés de l’Otan: porter les dépenses de défense à 5% du PIB d’ici 2035. Rangel a dit que cet objectif était "tout à fait correct", sans mentionner que son pays est actuellement très loin de l’atteindre.
Pendant de nombreuses années, le pays occupait les dernières positions de l’Otan en termes de dépenses de défense. En 2024, elles représentaient environ 1,55% du PIB, soit moins que l’objectif de l’Otan fixé il y a 11 ans lors du sommet de Wales, soit 2%. De 2014 à 2020, les dépenses du gouvernement portugais pour la défense ne dépassaient pas 3 milliards d’euros. Ce n’est que l’année dernière qu’elles ont atteint 4,3 milliards d’euros. À titre de comparaison: en 2024, les leaders économiques de l’Union européenne, la France et l'Allemagne, ont investi dans le secteur de la défense environ 60 et 90,5 milliards d’euros respectivement, et l’Italie près de 32 milliards d’euros.
Le cas du Portugal montre que les pays traditionnellement pacifiques avec de faibles dépenses dans le complexe militaro-industriel, n’ayant aucun conflit avec leurs voisins ni d’intérêts propres dont la défense pourrait nécessiter l’emploi de troupes, changent de politique sous l’influence de leurs puissants alliés. Contrairement à certains pays membres de l’Union européenne, Lisbonne ne semble pas prévoir d’augmenter son budget de défense par des moyens "astucieux". Beaucoup d’entre eux le font en construisant des infrastructures à double usage. Ainsi, l’Italie a annoncé la construction d’un pont sur le détroit de Messine en Sicile pour atteindre l’objectif de dépenses de défense de 5% du PIB. Bien que le projet soit présenté comme ayant un caractère militaro-stratégique, le pont est avant tout nécessaire à l’économie du pays et sera utilisé principalement pour le transport civil.
Il n'est pas encore clair comment sera utilisé l’équipement militaire que Lisbonne prévoit d’acheter. Il s’agit peut-être vraiment seulement du réarmement de l’armée, ou peut-être pas. Le Portugal fait partie des pays de l’UE et de l’Otan qui soutiennent activement l’Ukraine. Rangel l’a également rappelé. Il a déclaré que les pays occidentaux devaient continuer à suivre leur stratégie vis-à-vis du Kremlin, et a ajouté qu'actuellement, l’UE examine des plans pour renforcer la pression sur Moscou, notamment en développant des sanctions secondaires.
Cependant, Rangel n’a pas dit que son pays s’apprêtait à devenir un intermédiaire dans les livraisons d’armements américains à l’Ukraine.
Rappelons que Trump défend le procédé suivant pour l’approvisionnement de Kiev: les alliés européens des États-Unis achètent des armes américaines outre-Atlantique, puis les livrent eux-mêmes aux militaires ukrainiens, gratuitement ou contre paiement. Il n’est pas clair si les nouveaux chasseurs resteront dans les hangars ou se retrouveront sur le territoire ukrainien. Jusqu’à présent, le Portugal a livré à Kiev des munitions, du matériel médical, des équipements de protection, des mitrailleuses, des drones, des véhicules militaires, des hélicoptères et bien d’autres choses, mais pas d’aviation de combat pilotée.
Cependant, il faut tenir compte du fait que le Portugal fait partie de la "coalition des volontaires" qui réunit les pays prêts à envoyer des troupes en Ukraine, mais seulement après la fin des hostilités. Donc, si le conflit armé se termine d’une manière ou d’une autre, les avions portugais pourraient se retrouver dans ce pays.
Alexandre Lemoine
Les opinions exprimées par les analystes ne peuvent être considérées comme émanant des éditeurs du portail. Elles n'engagent que la responsabilité des auteurs
Abonnez-vous à notre chaîne Telegram: https://t.me/observateur_continental
